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    Voyage de Fortier em 1906

    Edmond Fortier, Français né à Plaine dans les Vosges, a émigré à la fin du XIXe siècle en Afrique de l’Ouest. Il a vécu à Dakar au début du XXe siècle et il y est mort en 1928. Il était marié à Odile Hilsenberger avec qui il a eu trois filles : Angèle, Alice Marie et Andrée Gabrielle1.  On ignore l’existence d’autres descendants du couple. 

    Homme de son temps, son œuvre n’est pas (et ne peut pas) être dissociée de ce que le colonialisme européen a représenté pour l’histoire de cette région.  

    Au début de sa carrière il a travaillé en tant que photographe professionnel pour l’élite sénégalaise. Ces personnes suivaient la mode mondiale de se faire tirer le portrait et de se présenter socialement avec des cartes de visite portant un tirage photo.

    La première information sur la présence d’Edmond Fortier à Saint-Louis du Sénégal remonte à une annonce dans l’édition du 1er décembre 1898 du Journal Officiel qui portait à la connaissance de tous l’ouverture du nouvel Atelier de pose dans la ville, dans lequel il était l’associé d’Émile Noal2. Ce dernier, photographe établi à Dakar depuis au moins avril 1894, visait par cette initiative à toucher le marché de la capitale de l’époque, Saint-Louis. 

    Noal était à l’époque le correspondant au Sénégal de l’hebdomadaire Le Monde illustré, édité à Paris. Avec Louis Hostalier, qui collaborait à l’hebdomadaire parisien A travers le Monde, il formait le tandem de photographes le plus entreprenant de la colonie.  Le fait que Fortier soit devenu le bras droit de Noal indique qu’il possédait déjà une expertise dans ce domaine, probablement acquise hors du Sénégal. L’Atelier de pose, implanté à Saint-Louis, est parfois devenu itinérant car il possédait des décors transportables qui pouvaient faire fonction de toile de fond pour tirer des portraits en extérieur. À ces toiles qui devaient mesurer 2 X 2 mètres et simulaient un paysage tropical et l’intérieur d’une résidence européenne, on pouvait adjoindre un tapis (probablement européen) et une natte pour composer le décor.  

    Fortier et sa caméra

    Les personnes photographiées sur cette carte cabinet (légèrement plus grande qu’une carte de visite) sont M. Léon Berteloot et son épouse, née Anne Dumont, membres de l’élite métisse intellectuelle du Sénégal et elle a été donnée à M. Caminade. Le verso de celle-ci, du temps où Fortier était l’associé d’Émile Noal, montre un dessin du relief de l’Afrique de l’Ouest avec ses principaux accidents géographiques. Sur la côte, les 6 villes où ils avaient des “succursales” sont indiquées. La plupart des photographes de l’époque étaient itinérants car au Sénégal le public n’était pas grand et il y avait de la concurrence. L’arrivée de l’un d’entre eux dans une ville était annoncée dans les journaux. En plus de tirer le portrait de l’élite locale, sénégalaise et européenne, les photographes offraient à leurs clients une Collection complète de Types et Vues de la Côte que beaucoup collectionnaient dans des albums. Les Types étaient les personnes d’un certain groupe social considérées comme “exotiques” et par conséquent “documentables”. 

    En plus de ces spécialités, Noal et Fortier ont travaillé comme reporters photographes. Un exemple en est les photos de Samory Touré quand il passe par Saint-Louis sur le chemin de l’exil au Gabon. Samory avait résisté pendant 15 ans à la pénétration française en Afrique Occidentale en dépit de la supériorité guerrière européenne. Les images de l’arrivée de l’Almamy à Saint-Louis, sa réclusion en famille et son célèbre portrait sont apparues en bonne place dans la presse française. Ces photographies ont ensuite été reproduites par Fortier au format carte postale. 

    C’est en 1900 que Fortier a lancé sa carrière d’éditeur de cartes postales.  Ce moyen de communication, très utilisé à l’époque, s’était répandu dans tous les pays du monde. L’avancement des techniques de reproduction telle la phototypie ; la progression de la scolarisation en Europe et aux États-Unis qui a rendu l’écriture accessible à une grande partie de la population et, enfin, la création des réseaux ferroviaire et maritime et de l’Union Postale Universelle sont les conditions qui ont permis l’apparition et la diffusion en rythme exponentiel du phénomène des cartes postales dans le monde de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle.  

    Le travail de Fortier est immense, totalisant environ 4.500 photographies originales. Nous n’avons toujours aucun moyen de spécifier les tirages, c’est-à-dire le nombre d’exemplaires de chaque carte postale de chaque série, mais nous pensons qu’au moins 1 million de cartes éditées par Fortier ont été mises en circulation dans les premières décennies du XXe siècle. Parmi celles qui ont été postées, la plupart ont été envoyées en France, mais certaines sont arrivées au Brésil, en Nouvelle-Calédonie et dans de nombreux autres pays aux quatre coins du monde. L’ensemble de ces clichés originaux contient des informations visuelles importantes sur les colonies françaises de l’époque, le Sénégal, la Guinée, le Soudan (Mali), la Côte d’Ivoire et le Dahomey (Bénin) et sur Lagos au Nigéria. Les images des éditions du photographe faisaient partie de séries mais étaient mises en circulation à l’unité, ce qui est propre à la nature du support  carte postale. 

    Pour vendre son travail Fortier est également devenu petit commerçant à Dakar. Sa petite boutique était proche du marché et du port. Il y vendait du tabac, des articles de papeterie, des objets exotiques de l’artisanat local et les fameuses cartes postales. Ses clients, en plus de la population locale de la ville, étaient les voyageurs des transatlantiques faisant escale à Dakar. Le faible coût d’envoi de ce nouveau moyen de communication, qui circulait sans enveloppe, a été l’un des facteurs qui ont conduit à son immense popularité au début du XXe siècle.  

    Une carte postale, éditée par Veuve Roche dans les années 1920, porte comme légende: DAKAR (Sénégal) – Rue Dagorne et Pharmacie Marsat. Sur la gauche, une petite enseigne commerciale annonçant :  Cartes Postales – FORTIER – TABAC

    Peu de personnes ont photographié l’Afrique de l’Ouest comme Edmond Fortier. Ses images constituent une chronique visuelle des colonies françaises au cours d’une période – de la fin du XIXe siècle au milieu des années 1920 – de grande transformation du paysage urbain et des relations sociales entre colonisateurs et colonisés.  

    Fortier a publié aussi des centaines d’images de jeunes filles nues dans ses séries de cartes postales. Dans la plupart des cas les photographies explicitent la domination de genre et de race, même si le fait de laisser les seins à l’air a été une pratique culturelle locale. En plus de ces images “érotiques” Fortier a photographié des filles et des femmes dans des poses pornographiques. 

    Auteur d’un ensemble de clichés couvrant un grand nombre de thèmes se rapportant à l’Afrique occidentale française, Fortier est devenu une source d’ illustrations dans laquelle ont puisé les auteurs de livres colonialistes sur la région. Ses images se prêtaient à tout ce que l’on désirait démontrer dans ces publications, que ce soit le “progrès” colonial, illustré par les voies ferrées ou l’érection de la ville de Dakar ou encore les différentes “races”, “tribus” et pratiques culturelles des populations. En 1912, de nombreuses photographies de Fortier ont servi d’illustrations dans le classique Haut-Sénégal-Niger de Maurice Delafosse.

    En 1908, Fortier a fait partie d’une délégation accompagnant le Ministre des Colonies français lors d’un voyage sur la côte de l’Afrique de l’Ouest. Sur une carte postale dont l’auteur est F.W.H. Arkhurst, un africain akan, Fortier apparaît en pleine action. Tous deux ont photographié le passage du Ministre à Grand-Bassam, en Côte d’Ivoire. Fortier saisit, de face, le moment exact où la délégation franchit une porte d’honneur ornée de palmes. Pour ce faire, il s’est probablement mis en travers du chemin de son collègue Arkhurst, qui n’a réussi à prendre le groupe que quelques secondes plus tard. Dans le coin inférieur gauche de son instantané on peut identifier Fortier avec son grand appareil photo.  

    NOTES

    1  Je remercie Patricia Hickling pour les informations au sujet des filles de Fortier

    2 Ver DAVID, Philippe, “Hostalier-Noal – Un duel de photographes au Journal Officiel du Senegal, Il y a cent ans”.  Images & Mémoires, lettre de liaison 14, 2006. Le texte complet de l’annonce est : MM. NOAL & FORTIER photographes auront sous peu l’avantage d’ouvrir un Atelier de pose à Saint Louis. Parfaitement outillés, ils sont à même, par un travail soigné et d’un fini inconnu jusqu’à ce jour dans la Colonie, de donner entière satisfaction aux personnes qui voudront bien les honorer de leur confiance. Portraits directs ou par reproduction en formats cartes de visite, carte-album, Paris-Portrait et 24 x 30. Groupes, Agrandissements encadrés ou non et, en général, exécutés conformément aux derniers perfectionnements de l’art photographique. Saint Louis a été jusqu’en 1904 la capitale de la colonie du Sénégal et le siège du Gouvernement de l’Afrique occidentale française.